par Malou Haine, publié le 04/10/2017

Cet article, qu’on peut attribuer à Diderot et qui est étroitement relié aux planches de Lutherie, s’attache au hautbois « moderne » dont il décrit la forme, la facture, la manière d’en jouer et de produire les différentes notes. Seuls les deux premiers paragraphes sont originaux, la suite étant compilée d’une méthode de 1710. → voir ci-dessous : Rédaction et source compilée.

Diderot ne se préoccupe ni du répertoire ni du contexte dans lequel s’utilise l’instrument.

Auteur

Cet article n’est pas signé, mais comme il fait partie d’un ensemble de deux articles de même intitulé et de même domaine, on peut en déduire que leur auteur est identique, à savoir Diderot dont la marque figure en tête du premier article. En effet, l’« Avertissement » précise : « Lorsque plusieurs articles appartenant à la même matiere, & par conséquent faits ou revûs par la même personne, sont immédiatement consécutifs, on s’est contenté quelquefois de mettre la lettre distinctive à la fin du dernier de ces articles » (I, p.xlvj). La marque de Diderot, l’étoile *, est toujours placée devant le mot vedette et non en fin d’article, mais le même raisonnement d’attribution s’applique sans hésitation.

Diderot signe cet article, tout comme la majorité de ceux relatifs à la lutherie et aux instruments de musique jusqu’au huitième volume. Louis de Jaucourt commence à en rédiger certains à partir du sixième volume et amplifie son implication à partir du neuvième.

→ voir Dossier transversal Lutherie et instruments de musique dans l'Encyclopédie.

Enjeu de l’article

L’enjeu de cet article ne peut s’évaluer qu’en le mettant en parallèle avec l’entrée précédente, HAUTBOIS (anciens), instrument à vent , (Lutherie) (t. VIII, 1765, p. 69a–b) qui traite du hautbois ancien, alors que celui-ci traite du hautbois moderne, contemporain de l’Encyclopédie. Ce sont donc les transformations du hautbois qui forment l’enjeu de cet article-ci. Précisons le contexte historique de l’instrument.

Dans le dossier critique du Hautbois (anciens), nous avons mis en évidence les deux types de hautbois ancien illustrés par Mersenne (1636) qui les distingue par une terminologie différente, respectivement grands Haut-bois et Haut-bois, mais qui sont tous deux construits en une seule pièce.

Durant le dernier tiers du XVIIe siècle, ces instruments subissent encore d’autres transformations importantes en France grâce à la famille des Hotteterre, dont les membres sont à la fois compositeurs, interprètes et facteurs d’instruments. Le hautbois et les autres membres de sa famille se construisent à présent en trois parties qui s’emboîtent et non plus en une seule pièce de bois comme c’était le cas précédemment (instruments illustrés par Mersenne). La perce est plus fine, le pavillon moins évasé. Diderot distingue ce nouvel instrument sous l’appellation « hautbois moderne », mais celui-ci n’a sans doute pas complètement fait oublier le type précédent traité sous la vedette d’adresse HAUTBOIS (anciens), instrument à vent , (Lutherie) (t. VIII, 1765, p. 69a–b).

Ce nouvel instrument moderne se construit en trois parties que l’on peut démonter. Il se propage rapidement à partir de 1685, suite notamment à la révocation de l’édit de Nantes qui a forcé bon nombre de musiciens français à chercher un emploi à l’étranger, et plus particulièrement dans des cours allemandes. La cour de Vienne emploie des hautboïstes français dès 1697, de même que l’église Saint-Marc à Venise dès 1698. À partir des années 1690, des hautbois de type français sont construits par des facteurs allemands, anglais et hollandais, le plus fameux d’entre eux étant Johann Christoph Denner à Nuremberg.

Malgré ces importantes transformations, l’instrument conserve la même appellation, celle de hautbois. Certains organologues actuels différencient cependant les deux types d’instruments : les anciens termes de chalemie et bombarde (instrument muni de clefs) s’appliquent aux instruments fabriqués en une seule pièce, tandis que celui de hautbois baroque concerne les instruments en plusieurs parties.

Les deux premières méthodes françaises pour le hautbois sont dues respectivement à Jean-Pierre Freillon-Poncein (1700) et à Jacques Hotteterre dit le Romain. Comme l’indiquent les titres complets de ces ouvrages — La Véritable manière dapprendre à jouer en perfection du haut-bois, de la flûte et du flageolet pour l’un, Principes de la flûte traversière, ou flûte dAllemagne, de la flûte à bec, ou flûte douce et du haut-bois divisez par traitez pour l’autre —, leurs auteurs assimilent étroitement le jeu du hautbois avec celui de la flûte 1 . Ils s’appliquent à fournir une méthode d’apprentissage de ces instruments, mais leur aspect formel n’est pas évoqué. Signalons que la méthode de Jean Hotteterre connaît une vogue importante avec ses nombreuses rééditions jusqu’en 1741. Deux traductions témoignent aussi de sa large diffusion : en néerlandais en 1728, puis en anglais l’année suivante.

Illustrations sonore et visuelle

Marcel Ponseele joue d’un hautbois baroque dans l’Adagio de l’Oratorio BWV 249 de J.S. Bach, sous la direction de Philippe Herreweghe.

Hautbois de Jean Hyacinthe Rottenburgh, Bruxelles, vers 1750 (Anvers, Vleeshuismuseum, inv. VH 67.1.82)

Dessin à la gouache de Louis Carrogis, dit Carmontelle, Messieurs Duport, Vachon, Rodolphe, Provers [sic] et Vernier, vers 1770. Chantilly, musée Condé, CAR 424. Séance de musique chez le Prince de Conti : Jean-Louis Duport (1749-1819) au violoncelle, Jean-Joseph Rodolphe (1730-1812) au cor, Pierre Vachon (1731-1803) au violon, et Philippe Provert (1727-1774) au hautbois.

Séance de musique chez le Prince de Conti

Rédaction et source compilée

Diderot ne cite pas sa source, or ce texte est un emprunt. Seuls les deux premiers paragraphes relatifs à la description formelle de l’instrument sont originaux, ainsi que les renvois encyclopédiques. → voir ci-après Correspondance internes

Les § 3 à 10 sont issus quasi verbatim de la méthode de Jacques Hotteterre dit le Romain, Principes de la flûte traversière, ou flûte d’Allemagne, de la flûte à bec, ou flûte douce et du haut-bois, divisez par traitez (1710, p. 44-46). Ces paragraphes portent sur la manière de tenir l’instrument et de placer l’anche en bouche.

Pour indiquer les trous qu’il faut ouvrir pour obtenir les différents sons, on se sert d’une tablature. Dans sa méthode, Hotteterre estime qu’il n’est pas nécessaire de fournir une tablature spécifique pour le hautbois, vu que le doigté est semblable à celui de la flûte traversière ; il renvoie donc à la tablature de celle-ci, illustrée à l’intérieur même de son ouvrage (placé après la table des matières, feuille double non paginée).

Sans la présence de la tablature de la flûte traversière contenue dans la méthode de Jacques Hotteterre, le texte de Diderot est impossible à suivre avec précision, car ses indications de notes numérotées n’ont aucun sens. Nous reproduisons donc ci-après la tablature de Jacques Hotteterre.

Jacques Hotteterre, Tablature de la flûte traversière, 1710

Son « Échelle de tous les tons et Semitons de la Flûte traversière par musique et par tablature » est constituée de trois parties : une portée avec une clef de sol première ligne qui comprend une gamme chromatique montante de 3 à sol5 et descendante du fa♯5 au 3 formant un ensemble de 57 notes numérotées et identifiées par leur nom français (ut, ré, mi, fa…) et anglais (D, E, F….). Ainsi chaque note est triplement identifiée, par ex. le do4 porte les indications suivantes : ut, 11, C. La tablature proprement dite est composée de sept lignes horizontales correspondant à chacun des sept trous de la flûte, avec la disposition des trous ouverts (petit rond blanc) et des trous fermés (petits ronds noirs). Le dessin de l’instrument est placé de telle sorte que ses trous sont placés en vis-à-vis des lignes correspondantes de la tablature. On constate donc que le texte de la tablature du hautbois de Hotteterre renvoie explicitement aux notes inscrites dans sa tablature de la flûte traversière : (note onzième), (note 23), (note 53), etc.

Or dans l’Encyclopédie, non seulement il n’y a pas de tablature jointe au texte du hautbois, mais la tablature fournie à l’article Flute Allemande ou Traversiere , instrument de Musique à vent (t. VI, 1756, p. 895a–899a) se présente différemment de celle de Hotteterre : une portée pour les notes naturelles de ré3 à ré6, une portée pour les notes chromatiques de do♯/ré b3 à fa♯/sol b5 suivie d’une troisième portée de sol♯/la b5 à sol♯/la b7. Cette tablature ne comporte aucune note numérotée. En d’autres termes, il est totalement impossible de comprendre les exemples de Diderot, sauf à savoir qu’il faut aller consulter la méthode de Hotteterre.

Réutiliser des textes écrits par d’autres, pratique courante des lexicographes du xviii e siècle, montre ici ses limites et les incohérences que cela peut engendrer.

Lexique technique

Remarquons qu’un même terme technique est utilisé à l’époque pour des parties ou des pièces différentes ; inversement, une même pièce ou partie peut être désignée sous des termes différents. Ceci se constate non seulement d’un article à l’autre dans l’Encyclopédie, mais aussi parfois à l’intérieur d’un même article. Tenter d’établir un lexique technique uniforme pour la période est une entreprise complexe si le contexte de chaque terme emploi n’est pas explicité.

→ voir les notes ponctuelles en marge de l’article, résumées ci-après.

  • Terme technique encore en usage actuellement avec le même sens : anche // pavillon.
  • Termes techniques de l’époque modifiés aujourd’hui : noix pour virole // trou pour perce // soupape pour tampon // « pavillon ou entonnoir » pour pavillon // patte pour pavillon // bascule pour patte de clé // canne pour roseau // canne aplatie pour anche double ou lamelles de roseau ligaturées. Doigts de la main : doigt indicateur pour l’index // doigt médius ou doigt du milieu pour le majeur.
  • Expressions d’hier versus expressions d’aujourd’hui : clé tenue appliquée pour clé fermée // clé toujours ouverte pour clé ouverte // trous débouchés pour trous ouverts // trembler sur un trou pour effectuer des trilles // déboucher les trous pour ouvrir les trous // boucher les trous pour fermer les trous // fortifier le vent pour augmenter la pression .

Déroulement de l’article

Aux § 1 et 2, Diderot décrit d’abord l’aspect formel de l’instrument, ainsi que son anche, en se référant à la planche qui comporte les dessins. Or ni la numérotation de la planche ni celle des figures ne sont précisées. Il s’agit de la Pl. VIII. Lutherie, Suite des Instruments à vent. (t. V, 1767) aux figures 11 à 15.

Les § 3 à 10 ne sont plus de la main de Diderot, mais de Jacques Hotteterre (→ voir ci-dessus : Rédaction et source compilée).

Au § 3, il est question de la tenue de l’instrument, de la position des mains, de celle des doigts sur les trous et sur les deux clefs.

Le § 4 indique la manière de placer l’anche entre les lèvres.

Les § 5 à 8 détaillent la manière d’obtenir les différentes notes en se référant à une tablature de flûte dont la source n’est cependant pas donnée.

Les § 9 et 10 donnent des précisions techniques de jeu.

Le dernier § renvoie vers un article cible pour expliquer la formation des sons.

Remarques

Jusque vers 1750, la plupart des hautbois baroques conservés possèdent une seconde clef de mi ♭ symétrique à la première afin de permettre la position alternée des mains (ils sont donc munis de trois clefs) ; or l’instrument décrit ici a déjà perdu cette seconde clef symétrique, ce qui témoigne de la position stabilisée des mains (main droite tenant le corps du bas, main gauche tenant celui du haut). Le texte spécifie d’ailleurs cette position des mains.

Le discours ne signale pas que le terme hautbois peut aussi s’identifier à celui qui en joue, alors que le Dictionnaire françois de Richelet (1680) l’indiquait déjà. Le Dictionnaire de l'Académie françoise mentionne cet emploi dans sa 3e édition (1740). Le Dictionnaire universel de Furetière (1690) précise que l’instrument est « devenu depuis peu un instrument militaire » introduit dans les compagnies de mousquetaires. Il n’est pas non plus question ici de l’usage de l’instrument, que ce soit au concert ou à l’Opéra.

Correspondances internes à l’Encyclopédie

Renvoi vers « … planche de Lutherie »

Ni l’intitulé de la planche ni son numéro ne sont mentionnés dans l’article. Or les indications AB, BC, CD indiquent que l’auteur se réfère manifestement à un dessin terminé ou près de l’être. On trouve le hautbois « moderne » représenté aux figures 11 à 15 de la Pl. VIII. Lutherie, Suite des Instruments à vent. (t. V, 1767) (seconde suite). Au moment de la rédaction de cet article, cette planche est déjà terminée (ou au moins en construction), même si sa numérotation et son intitulé ne sont pas encore fixés. Il faut souligner l’adéquation quasi parfaite entre la description formelle du discours et la représentation des figures, car la constatation inverse prévaut souvent dans plusieurs articles de lutherie.

Les indications A, B, C, D, ainsi que les trous de doigts 1 à 6 et les clefs 7 et 8 y sont indiqués, mais les explications des planches sont lapidaires, donc privées de la terminologie de leurs détails. Fig. 11 : « Hautbois » ; fig. 12 : « Coupe de hautbois » ; fig. 13 à 15 : « Parties de hautbois ».

Parmi les instruments représentés, le hautbois moderne bénéficie de six illustrations : les figures 11 à 15 représentent respectivement un hautbois entier, mais dépourvu de son anche (fig. 11), une coupe longitudinale de l’instrument afin d’y représenter sa perce et les viroles (fig. 12), et les trois parties démontées : le pavillon (fig. 13), le corps du bas (ou corps inférieur) (fig. 14) et le corps du haut (ou corps supérieur) (fig. 15). De plus, une figure GH (non numérotée) donne une illustration agrandie d’une anche de hautbois, disproportionnée par rapport à l’instrument lui-même. (Comme les explications de ces figures se limitent à de simples légendes, les termes utilisés ici pour décrire ces figures appartiennent donc à la terminologie utilisée de nos jours).

Renvoi vers l’article Clés des instruments de musique

La cible de ce renvoi est absente de la nomenclature. Certes, le terme Clé ou Accordoir (t. III, 1753, p. 518b–519a) (sans désignant) est présent dans l’Encyclopédie, mais il concerne la clef d’accord pour serrer ou desserrer les chevilles des clavecins. Aucun article n’est prévu pour ces petites pièces qui servent à fermer ou à ouvrir les trous latéraux sur les instruments à vent. → voir Dossier transversal Instruments de musique absents de la nomenclature mais pourtant présents dans l'Encyclopédie.

L’indication de ce renvoi témoigne sans doute d’abord du fait que le réadcteur est conscient de la nécessité d’écrire un tel article sur ces clefs placées sur certains membres de la famille des instruments à vent. Le volume VIII des lettres « H-ITZEHOA » est publié en décembre 1765 (il fait partie des volumes censurés tous publiés en une fois) ; celui des lettres « CHA-CONSÉCRATION » avait paru douze ans plus tôt, en octobre 1753.

Plusieurs hypothèses sont dès lors possibles. Cet article sur le hautbois a pu être écrit avant 1753, sinon l’auteur aurait eu à sa disposition le volume III et pouvait s’apercevoir que l’article visé était absent. Mais une autre interprétation est également envisageable. Même si l’article est rédigé plus tardivement et que son auteur était conscient de l’absence de l’article visé, il a très bien pu mentionner cet article cible comme une sorte de « rattrapage » destiné à figurer parmi les articles omis qui figureront in fine dans le volume XVII ; mais il n’y sera pas présent. Enfin, on peut envisager que cet article sur le hautbois a été écrit avec un ensemble de plusieurs articles sur la lutherie et que leur rédaction n’a pas pu être achevée pour une raison ou une autre.

Renvoi vers Anches des orgues

L’article visé Anches des orgues ne constitue pas une entrée autonome, ce qui peut donner l’impression que la cible est absente de l’Encyclopédie. Or ce type d’anches est traité comme tel à l’intérieur de l’article ANCHE , en Lutherie (t. I, 1751, p. 439a), sans même qu’un nouveau paragraphe ne le distingue.

L’anche dans un tuyau d’orgue n’est toutefois pas la même que celle utilisée sur un instrument à vent en bois, et leur mode de mise en vibration diffère également. Si l’auteur a voulu renvoyer à la fabrication des anches pour tuyau d’orgue, comme le contexte semble l’indiquer, il eût été préférable de renvoyer à l’article ORGUE , (Instrument à vent.) (t. XI, 1765, p. 634a–640b) qui comprend une sous-section intitulée De la fabrique des jeux d’anches (XI, 638b-639a) et dont l’auteur est Louis Jacques Goussier.

Renvoi à la tablature de la la flûte traversière

→ Voir ci-dessus : Rédaction et source compilée

Renvoi vers l’article flûte traversière

La cible est plus exactement celle de l’article non signé Flute Allemande ou Traversiere , instrument de Musique à vent (t. VI, 1756, p. 895a–899a). Ce renvoi montre que l’étude du hautbois reste encore, à l’époque, très dépendante de la flûte (à bec ou traversière). En effet, les traités propres au hautbois seul feront leur apparition seulement à la fin du XVIIIe siècle (voir ci-dessus: Enjeux de l’article).

Ce renvoi est mentionné pour expliciter les termes « coups de langue, flattemens, battemens, &c. ». On y trouve l’explication suivante pour le premier des termes :

Les coups-de-langue articulés sont l’explosion subtile de l’air que l’on souffle dans la flûte, en faisant le mouvement de la langue que l’on feroit pour prononcer tout bas la syllabe tu ou ru. On donne un coup-de-langue sur chaque note, ce qui les détache les unes des autres ; lorsque les notes sont coulées, on donne un coup-de-langue sur la premiere, qui sert pour toutes les autres que l’on passe du même vent. Les coups-de-langue qui se font sur tous les instrumens à-vent, doivent être plus ou moins marqués sur les uns que sur les autres ; par exemple, on les adoucit sur la flûte traversiere, on les marque davantage sur la flûte-à- bec, & on les prononce beaucoup plus fortement sur le hautbois.

Pour « les flatemens ou tremblemens mineurs & les battemens », l’article dirige à son tour « aux principes pour joüer de cet instrument du sieur Hottere [sic] le Romain, flûte de la chambre du Roi ». En d’autres termes, Diderot renvoie à la méthode de Jacques Hotteterre dit le Romain, Principes de la flûte traversière (1710), mais il n’explique pas la signification des termes eux-mêmes. La nomenclature de l’Encyclopédie comprend l’article Tremblement , en Musique (t. XVI, 1765, p. 584b), mais pas celui de flatemen(t)s.

Renvoi vers l’article Trompette, jeu d’orgue

L’article non signé Trompette , jeu d’orgue (t. XVI, 1765, p. 696a) précise que ce jeu particulier appartient à « la classe de ceux qu’on nomme jeux d’anches ». Ce renvoi vise explicitement « l’explication de la formation du son dans le hautbois, & autres instrumens à anche ». Or les anches des jeux d’orgue ne sont pas de même nature que les anches des instruments à vent en bois. Cette même erreur est également présente dans l’article ANCHE , en Lutherie (t. I, 1751, p. 439a).

Correspondances internes non signalées

Quatre autres renvois internes auraient pu être mentionnés, sans compter celui sur les anches de tuyau d’orgue (voir note ponctuelle en marge de l’article).

1. Alors que le texte de l’ancien hautbois signale trois membres de la famille, celui du hautbois moderne n’en signale aucun. Or l’Encyclopédie comprend pourtant deux articles différents pour deux de ses membres : la Taille de Haut-bois , (Lutherie.) (t. XV, 1765, p. 856b) qui sonne à la quinte inférieure du dessus ou hautbois ordinaire ; le BASSON DE HAUTBOIS ou simplement BASSON , (Lutherie.) (t. II, 1752, p. 127a–129a), membre grave de la famille qui est longuement décrit et illustré à la Pl. IX. Lutherie, Suite des Instruments à vent. (t. V, 1767) (seconde suite).

2. Comme Diderot explique le positionnement des doigts et l’ouverture des trous en se servant d’une tablature, un renvoi à ce terme aurait été possible. L’article TABLATURE , en Musique (t. XV, 1765, p. 797b), écrit par Rousseau en 1749 explique l’emploi d’une tablature pour instruments à cordes et indique que la tablature est « depuis long-temps entièrement abandonnée en France et en Italie ». Ce n’est cependant pas entièrement le cas, puisque les méthodes pour cistre et guitare les maintiennent encore jusque dans les années 1770. Rousseau ne parle pas des tablatures pour instruments à vent, et c’est peut-être la raison pour laquelle Diderot n’y renvoie pas. Il semble que, pour les instruments à vent, le terme gamme soit alors plus en usage que celui de tablature, mais ce sens précis n’est pas repris dans l’article GAMME GAMMUT ou GAMMA-UT , en Musique (t. VII, 1757, p. 457 [461]a–465a). Citons par exemple la Gamme de clarinette et six duos de Valentin Roeser publiée vers 1760.

3. Diderot précise que l’étendue du [dessus de] hautbois est de « deux octaves et d’un ton » et qu’il ne « monte guère plus haut que le ». Il n’en précise toutefois pas sa note fondamentale, do3, qu’il faut trouver sur la Pl. XXII. TABLE DU RAPPORT DE L'ETENDUE DES VOIX Et des Instrumens de Musique comparés au Clavecin. | Lutherie. (t. V, 1767). Soulignons que cette planche est basée sur celle élaborée par Joseph Sauveur en 1701 ( Joseph Sauveur, 1704 , p. 305). On y a jouté trois lignes pour : harpe, trompette et cor, tymbales. Le titre original de Sauveur était « Application du système général aux voix et aux instruments de musique ».

4. On l’a vu, pour expliquer le fonctionnement des clefs ouvertes et des clefs fermées, le texte dirige vers un article cible qui n’existe pas : Voyez Clés des instrumens de musique. Or, un renvoi vers les figures 48, 49 et 51 à 54 de la Pl. IX. Lutherie, Suite des Instruments à vent. (t. V, 1767) aurait été utile dans la mesure où ces dessins montrent clairement le fonctionnement de telles clefs. Les figures 48 et 49 illustrent une « clef fermée » vue de haut et la même vue de profil. Les figures 51 à 54 montrent respectivement une « clef ouverte » vue de haut, la même vue de profil, le tenon qui permet la bascule de la clef, et le tampon. Certes ces dessins font partie des illustrations relatives au Basson, mais leur fonctionnement est identique sur tous les instruments à vent de l’époque. Les dessins très précis de ces clefs servent en quelque sorte de « rattrapage » par rapport à l’article Clés manquant.

Si la Pl. VIII. Lutherie, Suite des Instruments à vent. (t. V, 1767) semble terminée au moment de la rédaction de l’article Hautbois , instrument de musique à vent & à anche (t. VIII, 1765, p. 69b–70b) (voir ci-dessus Correspondances internes), ce n’est sans doute pas le cas de la Pl. IX. Lutherie, Suite des Instruments à vent. (t. V, 1767) puisque ce renvoi semble avoir échappé à son rédacteur.

Métamorphoses et suites de l’Encyclopédie

François-Alexandre Garsault, dans son Notionaire (1761), consacre un chapitre aux 40 instruments usités à son époque : le haut-bois à deux clefs sert aux grands concerts ; son illustration (pl. XXIII) montre l’anche placée sur le corps supérieur, alors que l’illustration de l’Encyclopédie montre l’anche en détail, mais séparée de l’instrument. Son texte est original, totalement différent de celui de l’Encyclopédie.

Le Grand Vocabulaire françois (t. XIII, 1770) donne un nouveau texte, mais reprend certaines phrases soit à l’identique (quatrième et neuvième paragraphes de l’Encyclopédie) soit en les modulant (deux premières phrases du troisième paragraphe). Il précise l’emploi du hautbois — « jouer des dessus dans la symphonie, & pour accompagner les voix » et qualifie la production de ses sons comme « vifs & perçants » et produisant « un bel effet dans la Musique gaie & champêtre » — informations absentes de l’Encyclopédie.

L’ Encyclopédie d'Yverdon reprend verbatim les deux textes de Diderot sous deux entrées différentes, Hautbois, anciens (t. XXII, 1773, p. 735a-736a) et Hautbois, instrument de musique à vent & à anche (p.736a-737b).

À l’inverse, les deux textes de Diderot se succèdent en un texte suivi dans l’Art du faiseur dinstrumens de musique, et lutherie de l’Encyclopédie méthodique. Arts et métiers mécaniques (1785). Jacques Lacombe insère une seule notice in titulée Hautbois (p. 112b-114b) dans son onzième chapitre relatif aux « Instrumens à vent et à anche ». Son texte reprend verbatim l’article HAUTBOIS (anciens), instrument à vent , (Lutherie) (t. VIII, 1765, p. 69a–b) – à l’exception de la toute première phrase (« Nous distinguerons le hautbois en ancien & en moderne ») – suivi immédiatement de celui du Hautbois , instrument de musique à vent & à anche (t. VIII, 1765, p. 69b–70b). Il en a toutefois supprimé les renvois. Il n’y a pas de sous-titre entre ces deux textes, si ce n’est une phrase qui dirige vers la planche d’illustrations du tome 3 des gravures, planche elle aussi reprise de la Lutherie de l’Encyclopédie. En l’absence d’une phrase de liaison claire, le lecteur peut difficilement comprendre que l’auteur a décrit le hautbois ancien, puis le hautbois moderne. Il est curieux que ce même auteur n’ait point modulé quelque peu son texte, alors qu’en 1752 il avait consacré un article au Hautbois dans son Dictionnaire portatif des Beaux-Arts , où il parlait du timbre de l’instrument 2 et signalait son rôle dans la symphonie (sa définition ne permet cependant pas de déterminer s’il parle du hautbois ancien ou moderne).

Il n’y a pas d’autres reprises de ces deux textes. Dans son Essai sur la musique (1780), Benjamin de Laborde se contente de citer, parmi les anciens hautbois, la taille et la basse de hautbois. Il décrit le hautbois moderne (que nous nommons aujourd’hui « hautbois baroque ») à deux clefs qui se monte en trois pièces (au contraire de Diderot, Laborde distingue donc le corps de l’anche parmi les composantes de l’instrument). S’y trouvent également décrits le hautbois de forêt et le basson.

Dans l’ Encyclopédie méthodique. Musique (t. 2, 1818), Framery donne une très brève définition du hautbois et renvoie au Dictionnaire des Arts & Métiers (alias l’Art du faiseur de Lacombe de l’ Encyclopédie méthodique. Arts et métiers mécaniques ).

Bibliographie (sources secondaires, ordre chronologique)

Thurston Dart, « Musical Instruments in Diderot's Encyclopaedia » , The Galpin Society Journal , 6 (1953) , p. 109-111 [consulter] .

Eric Halfpenny, « The French Hautboy: A Technical Survey (Part I & II) » , The Galpin Society Journal , 6 & 7 (1953 & 1955) , p. 23-34; 50-59 [consulter] .

François Fleurot, Le hautbois dans la musique française 1650-1800, Picard, Paris, 1984 .

Jean Jeltsch, « Prudent à Paris : vie et carrière d’un maître faiseur d’instruments à vent » , Musique, Images, Instruments , 3 (1998) , p. 128-152 [consulter] .

Vincent Robin, « Hautbois und cromorne im Frankreich des 17. und 18. Jahrhunderts. Versuch einer terminologischen Bestimmung » , Basler Jahrbuch für Historische Musikpraxis : Französische Musik im europäischen Kontext , 28 (2004) , p. 23-36 [consulter] .

Bruce Haynes, The Eloquent Oboe. A History of the Hautboy from 1640 to 1760, Oxford University Press, Oxford, 2001 (2e éd. 2007) .


1 : Il faut attendre la fin du siècle pour qu’une méthode s’attache au hautbois seul, avec notamment celle d’Armand Van der Hagen, Méthode nouvelle et raisonnée pour le hautbois divisée en deux parties, publiée à Paris chez Naderman vers 1792.
2 : C'est d'ailleurs la source probable de l'information donnée par le Grand Vocabulaire françois.
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