par Malou Haine, publié le 05/10/2017

L’usage de l’instrument est suivi d’une brève description qui assimile la serinette à un petit orgue de Barbarie. Le développement de l’article se limite ensuite essentiellement à présenter les parties constituantes de l’instrument et à en suivre pas à pas le fonctionnement mécanique.

Ces explications posent problème dans la mesure où elles s’appuient à chaque étape sur une planche qui ne correspond pas aux figures de la serinette effectivement publiées 1 sur la Pl. IV. Lutherie, Instrumens qu'on fait parler avec une Roue. (t. V, 1767). → Voir ci-dessous : Renvois au Recueil de planches.

Attribution possible à Diderot

Arthur M. Wilson attribue la paternité de cet article à Diderot ( Wilson, 1985 , p. 58) sur la base d’un article publié par ce dernier dans le Mercure de France en octobre 1747 dans lequel il propose un « Projet de nouvel orgue », exprimant ainsi son intérêt pour les instruments mécaniques à cylindre. Diderot intègre ce texte l’année suivante dans le quatrième de ses Mémoires sur différens sujets de mathématiques (1748). Il décrit le fonctionnement de cet orgue, ses avantages et ses inconvénients.

Si la description qu’il fournit est assez fantaisiste, il faut plutôt s’attacher aux buts recherchés par son auteur. Les perfectionnements proposés semblent utopiques, mais certains d’entre eux seront effectivement réalisés au cours des siècles suivants, ce qui, en quelque sorte, positionne Diderot comme un visionnaire. Le philosophe souhaite réhabiliter l’orgue d’Allemagne ou orgue de Barbarie en lui offrant une diffusion plus large, en multipliant le nombre d’airs disponibles, en le mettant à la portée de tout le monde (y compris des jeunes enfants), en facilitant sa notation et son maniement. Tout musicien pourrait alors aisément noter sa partition sur le cylindre et en écouter immédiatement la musique. L’étude de la musique vocale ou instrumentale en serait facilitée, car l’instrument serait capable de transposer. Un cylindre noté de ce nouveau genre pourrait s’adapter à tout instrument à clavier afin que ces instruments puissent être utilisés par ceux qui ne savent pas lire la musique. Cet orgue pourrait même ramener des fidèles à l’Église. Les progrès mécaniques sont ainsi mis au service des intuitions et visions personnelles de Diderot.

La page titre de ce mémoire donne à voir deux enfants aux ailes d’ange, l’un tenant une partition, l’autre assis devant un cylindre noté, représentation tout imaginaire.

Vignette de la page titre du Quatrième Mémoire de Diderot, 1748 (Gallica).

Il ne semble pas que cette étude de Diderot datant de 1747 ait une quelconque relation avec l’article SERINETTE , (Lutherie.) (t. XV, 1765, p. 96b–97a) ici discuté. Par ce seul argument, on pourrait être tenté de ne pas suivre l’attribution suggérée par Wilson. Mais les contacts de Diderot avec le facteur d’orgue Robert Richard (voir ci-après Rédaction et sources) renforcent au contraire cette attribution. En d’autres termes, nous arrivons à la même suggestion que Wilson, mais pour une autre raison.

Remarquons aussi que, dans le premier dialogue du Rêve de D’Alembert, plus précisément l’Entretien entre d’Alembert et Diderot (1769), Diderot prend l’exemple du serin et de la serinette pour illustrer à la fois la différence entre un être vivant et un être inerte, et le fait qu’il n’y a entre eux qu’une différence de degré et non de nature.

Informateur possible pour la rédaction de larticle

Pour rédiger cet article, Diderot s’est probablement adressé au facteur parisien Robert Richard qu’il décrit comme « le plus habile constructeur d’Orgue d’Allemagne qu’il y ait à Paris » dans ses Mémoires sur différens sujets de mathématiques (1748, p. 181). S’il n’existe aucune lettre conservée entre les deux hommes, Diderot était pourtant bien en contact avec Richard, puisqu’il affirme tenir de ce dernier l’information selon laquelle il est possible de noter sur « un cylindre de deux pieds de diamètre plus de 120 mesures à quatre tems d’une Allemanda [sic] largo ; or ces 120 mesures équivalent à plus de 160 d’un Allegro » (également p. 181).

Richard n’est pas seulement un habile facteur de serinettes, mais aussi un inventeur de machines hydrauliques et d’automates musicaux dont l’ingéniosité semble dépasser celle de Vaucanson aux dires de ses contemporains. La Feuille nécessaire (1759), l’Année littéraire (1771) et d’autres journaux attestent de ses différentes réalisations, même si certaines de ces publicités sont vraisemblablement rédigées par le facteur lui-même. Dès 1759, Richard disposait d’un atelier à la Bibliothèque du Roi pour y construire ses ouvrages ; en 1776, il y exposait encore ses automates. En 1753 et bien qu’il semble n’avoir ni réparé ni construit de grandes orgues en France, Richard reçoit la commande d’un orgue de dix jeux pour la cathédrale Notre-Dame de Québec 2 , orgue disparu en 1759 lors du bombardement de la cathédrale par les Anglais, mais reconstruit par l’entreprise Juget-Sinclair en 2009.

La troisième édition (1757) du Voyage pittoresque de Paris de M. *** [Antoine-Nicolas Dézallier d’Argenville] donne, dans la section « additions » une description d’un flûteur automate accompagné de deux oiseaux chanteurs et d’une basse continue d’orgue, machine d’agrément réalisée par Richard sur une idée du comte de Saint-Florentin habitant le quartier du faubourg Saint-Honoré. Suivront d’autres automates musicaux construits par Richard pour ce ministre de Louis XV : le concert d’un serin et d’un bouvreuil en 1759 et, dix ans plus tard, le célèbre « concert méchanique ». Ce concert est immortalisé par une gravure à l’eau-forte et au burin de Charles Joseph Dominique Eisen, gravée par Joseph de Longueil en 1769. Trois automates de taille humaine animent un concert dans les salons du comte : une jeune femme touche un clavecin (composé de trois jeux), cligne des yeux et gonfle sa poitrine en chantant : elle est accompagnée d’un violoniste et d’un abbé au violoncelle. Un petit génie debout sur le clavecin derrière le pupitre bat la mesure et tourne les pages de la partition.

Concert mécanique chez le comte de Saint-Florentin, 1757 (Base Joconde)

Illustrations sonore et visuelle

Cette illustration audiovisuelle, réalisée avec une serinette anonyme restaurée par Xavier Szymczak, facteur d'orgues à Nancy , montre bien diverses parties évoquées dans l’article : la manivelle, la vis sans fin, le soufflet et le cylindre avec ses pointes .

L’usage premier de la serinette était d’apprendre à chanter aux serins (→ voir ci-dessous Contexte historique). Cet usage de l’instrument est illustré dès 1742 par le peintre anglais William Hogarth qui met une serinette dans les mains d’un des quatre enfants de la famille Graham, dans l’ un de ses plus célèbres tableaux, The Graham Children : le jeune garçon de droite, Richard, joue de la serinette (bird organ) pour faire chanter un oiseau dans une cage.

Neuf ans plus tard en France, Jean-Siméon Chardin illustre aussi la serinette dans ce même exercice dans un tableau intitulé La serinette . Ces deux tableaux attestent que les milieux bourgeois de l’époque se sont approprié l’instrument pour apprendre à chanter à un oiseau.

Contexte historique

La définition de tête mentionne l’usage de l’instrument, « apprendre aux serins à chanter ». Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, c’est au moyen d’un flageolet qu’on apprenait à chanter aux serins par la répétition d’un même air. L’ouvrage de J. C. Hervieux, Traité des Serins (1709), plusieurs fois réédité jusqu’en 1785, traduit en anglais et en allemand, atteste de la popularité de cette méthode. Le chapitre XI est précisément consacré à la manière d’instruire les serins au moyen du flageolet, mais la troisième édition de l’ouvrage (1745) indique, dans une note de bas de page, que la serinette lui est à présent substituée.

Dans son ouvrage sur La mécanique des langues (1751), Antoine Pluche constate que le serin est capable de chanter très précisément un air joué par une serinette. Ce mot serinette est suffisamment nouveau pour que l’auteur trouve nécessaire d’indiquer en note sa signification : « Flageollèt [sic] en forme d’orgues d’Allemagne pour sifler les serins ». Il ne donne aucune définition des « orgues d’Allemagne », et ce terme n’est pas non plus répertorié dans l’Encyclopédie.

→ Voir Dossier transversal Instruments de musique absents de la nomenclature mais pourtant présents dans l'Encyclopédie.

Remarquons que ni l’article Voix des oiseaux , (Anatom. comparée.) (t. XVII, 1765, p. 433a–b) ni celui du SERIN, CERISIN, CEDRIN , ( Hist. nat. Ornitholog. ) (t. XV, 1765, p. 96a–b) consacré à l’oiseau des Canaries n’abordent l’apprentissage du chant aux oiseaux au moyen du flageolet ou de la serinette. En revanche, l’article FLAGEOLET , (Lutherie.) (t. VI, 1756, p. 834a–835a) distingue deux types d’instruments dont le flageolet doiseau ainsi appelé, « parce qu’on s’en servoit pour siffler les serins, les linotes, & autres oiseaux, avant qu’on eût la serinette, qui est moins parfaite, mais qui épargne beaucoup de peine ».

Sans doute durant la fin des années 1750, l’instrument abandonne sa fonction première pour devenir instrument de divertissement dans les salons, comme l’attestent le tableau de Chardin mentionné ci-dessus et la définition donnée par le Dictionnaire de l'Académie françoise (1762). En effet, trois ans avant la publication du volume XV de l’Encyclopédie, le terme Serinette fait son entrée dans cet illustre dictionnaire et son usage est mentionné à l’imparfait : « Serinette. Instrument enfermé dans une boîte, duquel on joue par le moyen d’une manivelle, & dont le premier usage étoit d’instruire un serin ». De l’éducation des serins à la distraction des humains, le pas sera vite franchi : plusieurs airs à la mode seront alors notés sur la serinette. La définition de l’Encyclopédie ne tient cependant pas compte de ce nouvel usage purement mondain, sans doute parce que l’article était déjà rédigé quelques années avant sa publication (le tome XV fait partie des dix volumes censurés, tous publiés en 1765) et qu’au moment de sa rédaction, la nouvelle pratique commençait seulement à devenir à la mode.

Enfin, signalons que la plus ancienne serinette française datée (1753) semble avoir été retrouvée par Bernard Pin ( Pin, 1999 ). Elle est signée du facteur Bennard à Mirecourt, comprend dix tuyaux et donne à entendre neuf airs différents. Selon cet auteur, l’apparition de la serinette pourrait se situer vers 1730 en Lorraine.

Horizon de référence

Les instruments de musique actionnés mécaniquement suscitent des débats à l’époque des Lumières, car ils répondent à la fascination engendrée pour les prouesses de la mécanique capable de reproduire des agents animés, des mouvements apparemment spontanés. Notons qu’ils s’inscrivent également dans la mouvance de l’ouvrage de Julien Jan Offray de La Mettrie, L’Homme machine, publié en 1748. Cet ouvrage à scandale présente l’homme comme un animal supérieur qui engendre ses propres ressorts, au même titre que les automates de Jacques Vaucanson, avec comme conséquence le rejet de Dieu.

Parmi les instruments mécaniques, ce sont plus précisément les automates et androïdes (automates à figure humaine) qui passionnent les esprits, avec les inventions de Vaucanson proposées en 1738 — le flûteur automate capable de faire entendre quinze airs différents, le joueur de galoubet et de tambourin qui en joue vingt, et le canard artificiel qui ne chante pas, mais ingurgite des graines, les digère et les expulse. Ces inventions sont partiellement décrites aux articles ANDROIDE , (Méchan.) (t. I, 1751, p. 448b–451a) et AUTOMATE , (Méchaniq.) (t. I, 1751, p. 896a–897a) ; le premier est signé de D'Alembert, avec un paragraphe supplémentaire de Diderot, le second du seul D’Alembert.

De la fin du XVIIIe siècle jusqu’aux années 1930, les instruments mécaniques vont connaître un développement considérable. Des oiseaux chanteurs aux limonaires de fêtes foraines, nombreuses sont les inventions qui permettent de jouer de la musique de manière mécanique.

Classification de l’instrument

La serinette fait partie de ce que nous appelons aujourd’hui les instruments mécaniques, c’est-à-dire ceux pour lesquels il n’est nul besoin de connaître la musique : on actionne mécaniquement l’instrument, ici par le moyen d’une manivelle. Cette classification n’est pas encore envisagée comme telle au XVIIIe siècle, mais elle est déjà perceptible puisque l’intitulé de la Pl. IV. Lutherie, Instrumens qu'on fait parler avec une Roue. (t. V, 1767)  s’écarte de la classification établie à l’entrée générique sous Instumens , ( Musiq. & Luth. ) (t. VIII, 1765, p. 803b–804a)  qui ne prévoit pas cette catégorie d’instrument. L’intitulé de cette planche témoigne précisément de la prise de conscience d’une nouvelle classe en devenir ( Haine, 2015 ). Ce titre de planche sert en quelque sorte de rattrapage au texte de l’article.

→ Voir dossier critique de l’article Instumens , ( Musiq. & Luth. ) (t. VIII, 1765, p. 803b–804a).

→ Voir aussi Dossier transversal Typologie et classification des instruments de musique dans l’Encyclopédie.

Lexique instrumental et technique

Orgue d’Allemagne ou orgue de Barbarie

Les « orgues d’Allemagne » s’identifient aux « orgues de Barbarie », ainsi qu’en témoigne une gravure en taille-douce d’Edmé Bouchardon dans ses Études prises dans le bas peuple ou les cris de Paris (1737). Intitulée « L’orgue de Barbarie ou plutôt d’Allemagne », cette gravure illustre une jeune femme de pauvre condition dans une rue de Paris : elle joue de l’instrument et porte une lanterne magique sur son dos.

Edmé Bouchardon, L'orgue de Barbarie, 1737 (Gallica)

Ni l’orgue d’Allemagne, ni l’orgue de Barbarie ne bénéficient d’un article spécifique au sein de l’Encyclopédie. → voir Dossier transversal Instruments de musique absents de la nomenclature mais pourtant présents dans l'Encyclopédie.

Il semble qu’aucun dictionnaire de langue française du XVIIIe siècle ne recense ces deux termes ; il faut attendre la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie françoise (1835) pour que l’orgue de Barbarie soit défini sous l’article Orgue. En 1828, Castil-Blaze consacrait pourtant plus d’une colonne à « Orgue à cylindre. Orgues d’Allemagne. Orgues de Barbarie » dans son Dictionnaire de musique moderne (Biblio secondaire manquante [Castil-Blaze1821;2eedition1825;3eedition1828;6eedition1835]).

Notons encore que des noms spécifiques sont donnés aux serinettes de tailles plus grandes, destinées à des oiseaux en particulier : merline, bouvrette, pionne, perroquette. Le Dictionnaire étymologique de la langue française ( de Roquefort, 1829 ) donne encore turlutaine comme synonyme de serinette.

Détails techniques de construction

Remarquons qu’un même terme technique peut être utilisé à l’époque pour des parties ou des pièces différentes ; inversement, une même pièce ou partie peut être désignée sous des termes différents. Ceci se constate non seulement d’un article à l’autre dans l’Encyclopédie, mais aussi parfois à l’intérieur d’un même article. Tenter d’établir un lexique technique uniforme pour la période est une entreprise complexe si le contexte de chaque terme emploi n’est pas explicité.

→ voir les notes ponctuelles en marge de l’article, résumées ci-après.

Termes techniques de l’époque modifiés aujourd’hui 3  : manivelle avec visse sans fin pour vilebrequin // tige de vis avec cheville pour tenon // bride de fer pour bielle // pointes pour becs de lecture des touches // notes de cylindre pour picots et ponts.

Termes techniques encore utilisés aujourd’hui : clavier, cheville, cylindre noté, laye, manivelle, pilote, porte-vent, roue, sommier, soufflet, soupape, touche.

Correspondances internes à l’Encyclopédie

Renvois aux articles

Pour la description du cylindre noté, l’article dirige vers CARILLON , (Horlogerie.) (t. II, 1752, p. 685a–b), rédigé en partie par J. B. Le Roy, mais cet article renvoie, à son tour, à l’article SERINETTE , (Lutherie.) (t. XV, 1765, p. 96b–97a) pour la manière de noter le cylindre. Il est donc intéressant de remarquer qu’aucun de ces deux articles ne donne la description du cylindre noté. Le premier précise que « les carillons sont faits sur les mêmes principes que les serinettes, ou les orgues d’Allemagne ». De plus, ces deux articles ne semblent pas faire de distinction entre la manière de noter un cylindre de carillon et celui d’une serinette. Or ce n’est guère la même technique, même s’il y a des similitudes de principe.

Pourtant, la notation des cylindres n’est pas une invention du XVIIIe siècle : depuis longtemps déjà, certains carillons d’église sont actionnés automatiquement selon un système similaire, et nombre d’horloges astronomiques du moyen-âge sont combinées à un carillon mécanique. En 1650 déjà, dans son traité intitulé Musurgia universalis , Athanasius Kircher illustrait à la fois le mécanisme d’un carillon actionné par des poids et celui d’un orgue mécanique avec son cylindre noté (Livre IX, ill. XIX et XXII). Il exposait en latin la manière de noter les cylindres, accompagnée de plusieurs exemples de tablatures très explicites. A la fin du XVIIIe siècle, un ouvrage écrit en français est entièrement consacré à la notation des cylindres : le père Marie-Dominique-Joseph Engramelle publie son ouvrage Traité de tonotechnie ou l’Art de noter les cylindres en 1775, mais sa rédaction est très vraisemblablement antérieure de plusieurs années. Trois ans plus tard, dom Bedos de Celles, correspondant de l’Académie des sciences de Paris depuis 1758, fait paraître la quatrième partie de sa somme monumentale sur L’Art du facteur d’orgues . À sa demande, le père Engramelle rédige les chapitres III et IV où sont décrits les orgues à cylindre et la manière de les noter.

Renvois au Recueil de planches .

Le discours renvoie explicitement à la Pl. IV. Lutherie, Instrumens qu'on fait parler avec une Roue. (t. V, 1767), mais à la toute fin de l’article : « Voyez […], & la figure de la serinette, Pl. de Lutherie ». La numérotation de la planche n’est pas précisée. Or le texte suit pas à pas une description dont les détails sont mentionnés en lettres italiques, mais sans références ni à une figure précise ni même à une planche numérotée. Ce sont là des indices précieux quant à la fabrique de l’article et de la planche concernée. L’auteur se référait à une seule figure, manifestement terminée, mais il ignorait encore sur quelle planche elle allait figurer.

Par ailleurs, nous constatons que la planche publiée comprend deux dessins, fig. 2 et 3, mais qu’ils ne correspondent pas à la description du discours. Il faut en déduire que le dessin de référence du rédacteur de l’article est perdu. En effet, on peut relever de nombreuses différences entre le texte de l’article et les dessins de la planche, comme c’est d’ailleiurs souvent le cas dans l’Encyclopédie. Le discours parle de treize tuyaux, mais l’instrument illustré n’en possède que neuf. Certains détails cités dans le texte (les lettres B, a b, M, SS, Cm…) ne sont pas indiqués sur les figures dessinées. Il est donc évident que la planche sur laquelle le rédacteur de l’article s’est fondé n’a pas été retenue (s’était-elle perdue ?) au moment de la conception de la seconde série lutherie du Recueil de planches, ce qui se constate assez souvent, alors que les cohérences semblent nettement plus étroites entre les articles et les planches de la première suite consacrée à l’orgue.

Malheureusement les explications de la planche IV sont lacunaires ; elles se contentent d’une légende générique pour chacune des figures (« Serinette vue par derrière » et « Autre face de la serinette ») et ne fournissent aucune légende aux détails techniques dessinés, pourtant munis de lettres de repères. Par ailleurs, la figure 3 de la planche est fautive : elle ne montre pas la queue de la soupape qui sert précisément à faire ouvrir la soupape lorsque ladite queue vient toucher une butée réglable.

Le nom du dessinateur n’est pas indiqué, mais Robert Benard en est le graveur.

Correspondances internes absentes

L’article SERINETTE aurait pu renvoyer à d’autres planches de l’Encyclopédie. La similitude entre le cylindre d’une serinette et celui d’un carillon est illustrée à la Pl. XXVII Horlogerie, Vue perspective d'un Carillon. (t. IV, 1765).

Il eût été utile de renvoyer aux articles ANDROIDE , (Méchan.) (t. I, 1751, p. 448b–451a) et AUTOMATE , (Méchaniq.) (t. I, 1751, p. 896a–897a), réalisations qui constituent des applications plus complexes du principe mécanique, celle d’une figurine animée combinée à de la musique.

Métamorphoses de l’Encyclopédie

Le Grand Vocabulaire françois (t. 26, 1773) reprend verbatim le paragraphe 5 après une brève description formelle de l’instrument, différente de l’Encyclopédie. L’usage de l’instrument est mentionné à l’imparfait — « étoit d’instruire un serin » —, entérinant ainsi un usage suranné. Cet usage donné au temps de l’imparfait était déjà celui utilisé dans le Dictionnaire de l'Académie françoise (éd. 1762), → voir ci-dessus : Contexte historique.

L’ Encyclopédie d'Yverdon (t. 38, 1774, p. 386a-387b) reprend quasi mot pour mot le texte de l’Encyclopédie, tout en modifiant les renvois aux planches. Les figures sont reproduites au format in-4° et inversées dans le volume VII des planches de cette édition, paru en 1778.

Jacques Lacombe dans l’Art du faiseur d’instrumens de musique, & lutherie de l’ Encyclopédie méthodique. Arts et métiers mécaniques (t. 4, 1785, p. 85b-86) reprend textuellement le même texte, mais il le découpe en plusieurs paragraphes. Diverses informations extraites de l’ouvrage de Dom Bedos (fournies par le père Engramelle) viennent compléter la description. Remarquons que Lacombe n’avait pas inclus ce terme dans son Dictionnaire portatif des Beaux-Arts (éditions de 1752 et 1756), sans doute parce que l’instrument était d’un usage trop vulgaire.

Framery dans le second volume Encyclopédie méthodique. Musique (1818) se contente de donner une définition réduite, mais véhicule encore l’usage de l’instrument « destiné à l’éducation des serins », alors que cette pratique était abandonnée depuis probablement le milieu du siècle passé.

Bibliographie (sources secondaires, ordre chronologique)

Arthur M. Wilson, Diderot, sa vie, son œuvre, Laffont - Ramsay, Paris, 1985 .

Bernard Pin, « La plus ancienne serinette française conservée » , Musique, Images, Instruments , 4 (1999) , p. 133-146 [consulter] .

Malou Haine, « Les classifications des instruments de musique en France de 1761 à 1819 et l’élaboration d’une terminologie organologique » , Musique, Images, Instruments , 15 (2015) , p. 188-205 [consulter] .


1 : Voici un bon exemple d'un article de l'Encyclopédie qui peut mal s'interpréter par des spécialistes de ce domaine de la lutherie qui ignorent, par ailleurs, la complexité de la manufacture de l'Encyclopédie. Ils en arrivent parfois à décrire comme "fautives" des données de l'article qui reposent sur l'examen d'un instrument non représenté. Certains vont même jusqu'à nier toute compétence à Diderot.
2 : Voir le contrat du 10 mars 1753 conservé aux Archives nationales, MC/ET/538 ; document aimablement communiqué par Françoise Launay.
3 : Bernard Pin, expert en pièces à musique et automates, s'est chargé de l'identification de ces termes techniques.
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